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Bas-relief de Jesús Echevarria. Édité par "La grande Semaine Musicale de la Cote Basque", tiré en 1000 affiches en relief sur support plastique semi-rigide, dont 100 numérotées.

Hommage à Jesús Echeverria

6 Février 2009 , Rédigé par Laurent ROMPTEAUX Publié dans #infos

Jesús Echeverria n'était pas psy, je pense qu'il n'en avait rien à faire ; son décès nous touche (Delphine et moi) parce que nous connaissions ce grand homme et son épouse. Sa manière d'"être" nous plaisait et nous renvoyait à l'essentiel.

Esprit libre, il adorait son pays basque et ses amis, faisant sienne la phrase de Montesquieu " on n'est jamais assis que sur son cul ".

Peu de gens lui ont rendu hommage, il était discret, fuyait les mondanités, je vous propose quelques lignes tirées du journal du Pays Basque, vie riche, œuvre riche.

Décès du sculpteur basque Jesús Echevarria à Cambo à l'âge de 93 ans 06/02/2009

Né le 1er janvier 1916 à Barambio, un village rural d'Alaba, à mi-chemin entre Bilbo et Gasteiz, Jesús Echevarria est happé dès ses vingt ans par la guerre civile d'Espagne qui le voit combattre dans le bataillon basque Alaba aux côtés des républicains.
Capturé en 1937 à Santoña, il est incarcéré dans les geôles franquistes. Condamné à mort, sa peine est commuée en 1941 à huit ans de prison. Transféré dans un bataillon disciplinaire, il participe, entre autres travaux forcés, à la reconstruction de l'Alcazar de Tolède. Libéré en août 1944, il s'exile en France, à Cambo où il épouse bientôt Marie-Hélène « Maialen » Castigar qui deviendra sa muse.
« Nous lisions beaucoup ensemble et nous parlions d'art, et c'est alors que surgissait chez Jesús le besoin d'exprimer son émerveillement dans le bois ou la pierre... » Une formation autodidacte Fils et petit-fils de tailleurs de pierre, Jesús Echevarria effectue à son tour un stage chez un tailleur de pierre à Caudéran. « Il a toujours dit que son père donnait une âme à tout ce qu'il façonnait » poursuit Maialen.

Les années de souffrance en Espagne, les pérégrinations dans le Sud-Ouest de la France, où il compare l'art roman continental avec celui de son enfance, l'ont aidé à aiguiser son regard.

« Jesús a travaillé seul, loin des grands mouvements, des courants et des modes. En une quarantaine d'années, il a parcouru les grandes étapes de la sculpture, de l'imagerie à l'abstraction, de la matière à l'immatériel.» Sa sensibilité musicale est formée dès sa prime jeunesse au contact de son oncle José Uruñela, compositeur et pianiste de talent, ami de Ravel, qui passe ses étés dans la maison familiale des Echevarria.
 L'imagination nourrie d'impressions plastiques et de mélodies, le sculpteur fait naître sous le ciseau des formes imprévues dans le bois et dans la pierre. L'inspiration est parfois classique, égyptienne (il s'enthousiasme pour l'art égyptien lors d'un passage au Louvre) mais plus souvent elle exprime un lyrisme original qui n'appartient qu'à lui.
«La musique a été pour lui une grande source d'inspiration» affirme Maialen Echevarria. «Il était notamment fasciné par Bach, mais aussi par Stravinski, Debussy, Ravel, Falla ou Boulez C'est ainsi que sont nés les onze pièces de «Sacre du Printemps» et «L'oiseau de Feu»». Également passionné d'histoire médiévale, il s'inspire du passé pour créer les onze pièces du Cantar de Mío Cid et un nombre impressionnant de personnages sculptés : «Le changeur du Moyen Âge», «Le forgeron forgeant Durandal», «L'alchimiste», «Thérèse d'Avila écrivant le livre de sa vie», «Guzman el Bueno», «El domine Cabra», «la reine Margot», «Tristan et Yseult»... De la matière à la lumière Toujours grâce à la littérature, mais inspirés par Lorca cette fois, citons «La monja gitana», «El romance de la pena negra»... En même temps, parfois avec un clin d'œil à l'enfance sont nés les «Maternités», «La femme au marché»...

La renommée de Jesús Echevarria dépasse rapidement le cercle de Cambo. André Maurois lui décerne le Prix de la Critique d'Art en 1966. Philippe Comte, conservateur du Musée des Beaux-Arts de Pau où il l'expose, obtient que son œuvre représente le Sud-Ouest lors d'une grande manifestation organisée au Centre Pompidou en 1979.

Jesús Echevarria n'appartient à aucun mouvement, mais il croise le grand sculpteur guipuzcoan Jorge Oteiza (1908-2003) qui l'incite à faire partie du groupe Orain, («Maintenant»), réunissant les artistes d'Alaba, sa province natale. 

Toujours modeste, Echevarria fuit les journalistes et les mondanités. Il réalise de nombreuses commandes publiques mais préfère travailler sans relâche dans son atelier, cherchant la lumière au cœur de la matière. «Après avoir travaillé les matières pleines, Jesús a été obsédé, hanté par la lumière durant les quinze dernières années de sa vie» conclut Maialen Echevarria. «Le culte du volume compact a cédé la place aux spirales qui sont autant de pièges à lumière, comme dans la stèle `Matière et lumière de pierre creusée en son milieu' ou dans `Le château intérieur'. Le plus triste est que la maladie l'a touché alors qu'il arrivait au bout de ce cheminement artistique. Je vais consacrer les années qu'il me reste à vivre à répertorier et à promouvoir son œuvre... »

Nous nous souviendrons de ses visites guidées chez lui, véritable musée et des coups de rouge (Navarrais et Rioja ! origine oblige) pris ensemble, de son caractère détonnant et de son hospitalité.

Puisse sa femme éloigner les charognards qu'il détestait tant.

Merci pour la leçon de vie Jesús.

Laurent ROMPTEAUX